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  • Mireille Nathan-Murat

Hilcia d'Aubeterre Lichtenberger


Nous éprouvons une grande tristesse, en ces jours de confinement,

à vous faire part de la mort, jeudi 26 mars, 2020 de l'une des fondatrices d'Empreintes & Arts, Hilcia d'Aubeterre Lichtenberger

Hilcia d'Aubeterre Lichtenberger est morte d'une maladie cardiaque à Paris. Elle nous enchantait de sa voix de soprane, de ses dons de comédienne et de metteuse en scène, maniant la dérision et la rigueur artistique.

Elle prêtait son regard aiguisé et généreux de peintre à d'autres peintres au sein de l'Association Empreintes & Arts

Hilcia et le Club des Peupliers

Lorsque, au début des années 1970, l'ASM XIII, (Association Santé Mentale du XIIIe Ardt de Paris), a réuni toutes ses équipes médico-sociales de secteurs dans un grand immeuble dédié, construit derrière la Place d'Italie, le Club Extra- Hospitalier des Peupliers a obtenu de déménager de la rue de la Colonie, où une salle était libre les samedis après-midi, pour l'ancien commissariat de la rue Bobillot, les commissariats de quartier ayant dans un même mouvement été regroupés dans un immeuble construit derrière la Mairie du XIIIe, place d'Italie.

Le Club des Peupliers a pu alors ouvrir trois fins d'après-midi par semaine de 17h à 20h, en plus du samedi de 14h à 19h.

L'équipe d'animation du Club, dont j'étais alors responsable, a décidé d'embaucher des collègues qui n’étaient pas forcément psychologues, mais qui avaient une expérience soit de travail d’animation dans des foyers de jeunes travailleurs, soit dans le domaine de la culture et de l’art.

Une palette d’expériences humaines. C'est ainsi qu'a été cooptée Hilcia d'Aubeterre Lichtenberger, originaire du Vénézuela. Elle avait immigré seule très jeune pour venir faire ses études à Rome, avait perdu ses appuis familiaux et s’était construite dans une pratique artistique. Hilcia d’Aubeterre Lichtenberger, comédienne, chanteuse lyrique, danseuse, peintre, avait participé à la création du Théâtre Panique avec Topor, Fernando Arrabal, Jodorowsky, et fait des mises en scène avec son premier mari, Jérôme Savary, créateur du Grand Magic Circus.

Hilcia avait travaillé avec tous les latino-américains du monde du théâtre à Paris, avec Victor Garcia (Ubu roi, d’Alfred Jarry, en 1965), avec Copi en 1968, avec Jorge Lavelli (Le Concile d’Amour, tragédie céleste d'Oskar Panizza, chorégraphe Graziella Martinez, au Théâtre de Paris en février 1969 ; Orden, opéra de Pierre Bourgeade et Girolamo Arrigo, mis en scène Cour d'Honneur du Palais des Papes au Festival d'Avignon, juillet 1969, puis Halle de Paris).

Des spectacles qui relevaient d’une discipline artistique extraordinaire et, en même temps, d’une fantaisie qui venait bouleverser notre manière de nous représenter le théâtre et l’opéra en France. Hilcia a apporté au Club des Peupliers ce non-conformisme allié à une discipline artistique. Une manière de s’offrir à transmettre des repères intérieurs, une rigueur que nous, psychologues cliniciens, avions trouvés en nous mettant à l'épreuve de la psychanalyse.

Les activités au Club se sont diversifiées au-delà des jeux de cartes, jeux de dominos, rédaction du journal et sorties culturelles. Au Club des Peupliers, fêtes et anniversaires, de tous temps, étaient autant d'occasion de danser, comme au bal musette.

Hilcia apporta aux adhérents une ouverture à d’autres modalités d’expression. Elle a ouvert un atelier de peinture et organisé des expositions publiques à la Mairie du XIIIe. Elle a initié le théâtre et avait mis comme condition que les animateurs acceptent de se risquer à jouer en public, avant de proposer aux adhérents qu’ils s’y risquent avec eux.

Elle a alors monté deux pièces de théâtre de l'absurde, dont La Cantatrice Chauve, d'Eugène Ionesco, où se conjuguaient les jeux de comédiens débutants, animateurs et adhérents du Club. Sous la direction d'Hilcia, mon fils aîné, qui avait six ans, a donné la réplique à un grand jeune homme taiseux, habituellement enfermé dans sa psychose, qui campa un père extraordinaire sur scène, dans une mise en scène d'un texte de Samuel Beckett.

Hilcia et l'Association Empreintes & Arts

En 1997, Hilcia d'Aubeterre Lichtenberger a été de ceux qui, psychanalystes, artistes plasticiens art-thérapeutes, historienne de l'art, journalistes, fondèrent l'Association Empreintes et Arts. Parmi les Membres Fondateurs, –outre Sylvie Riou, Albane Salleron, Jean-louis Péninou–, certains avaient travaillé ensemble au Club des Peupliers : Jean-Pierre Bourgeron, premier Président, Hilcia d'Aubeterre Lichtenberger, Mireille Nathan-Murat, Secrétaire et, plus tardivement Christine Leprince. (1)

Ils donnèrent pour but à l'Association d'aider des artistes, fréquentant des institutions psychiatriques, à faire valoir leur travail artistique de peinture ou sculpture. Bénévoles, les Membres d'Empreintes & Arts apporteraient une aide à la promotion des œuvres produites en marges ou en ateliers psychiatriques, au profit des artistes.

Hilcia contribua à constituer des albums de photos des œuvres des artistes, à éditer des cartes postales et accompagna des démarches auprès de galeries ou de musées. Elle participa à la sélection, à l'accrochage et aux permanences des premières expositions individuelles ou collectives organisées par l'Association.

Après avoir incité Vanina Desanges à se remettre à la peinture dans l'atelier qu'elle animait au Club des Peupliers, Hilcia fut sa marraine à Empreintes & Arts. Elle l'aida à présenter des huiles sur toile et des dessins à Gérard Sandrey, Directeur fondateur du Musée de La Création Franche (Bègles, Gironde), à qui Sylvana Crescini, Correspondante d'Empreintes & Arts en Italie, avait recommandé l'Association.

Hilcia contribua ainsi, en 2005, à faciliter une première donation d’une centaine d’œuvres de Vanina Desanges au Musée de la Création Franche.

Hilcia prêta son regard et son soutien ouverts et exigeants aux artistes qui participèrent aux dix premières années d'expositions d'Empreintes & Arts, comme Etienne André, Delphine Desécures, Sonia Lawniczak, Alexis Moreau, Gabriel Watmann.

Aussi souvent que sa santé le lui permit, elle vint en famille voir les expositions personnelle de certains d'entre eux et celles organisées par Empreintes & Arts.

Nous la remercions de nous avoir souvent invités à cet art du décalage qui fonde l'authenticité de la démarche collective de dénicheurs de talents.

Elle aimait à chanter "Este pajarito no es de por aqui…" Elle-même reste ce drôle d'oiseau aux trilles fantaisistes qui communiquent la joie de créer au-delà des frontières.

Mireille Nathan-Murat

Note 1. Récemment, Bernadette Mermier qui anime un atelier de roman-photo au Club des Peupliers, a rejoint Empreintes & Arts, dont elle a été élue Secrétaire.


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